Certains secrets méritent d’être révélés. En octobre 2018, Disclose a été destinataire de documents classés « confidentiel défense ». Un rapport de 15 pages concernant des armes françaises vendues à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, deux pays impliqués dans une guerre sans fin au Yémen. Les informations qu’il contient doivent être portées à la connaissance du public.
Nous considérons en effet que leur publication est commandée par la nécessité d’ouvrir un débat équilibré sur les contrats d’armements liant l’Etat français à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis. Une nécessité d’autant plus impérieuse que ces documents dévoilent une volonté de dissimulation de la part du pourvoir exécutif.
Rédigé le 25 septembre 2018 par la direction du renseignement militaire (DRM), ce rapport a été remis au président de la République à l’occasion d’un conseil restreint de défense qui s’est tenu à l’Élysée, le 3 octobre 2018. Intitulé « Yémen : situation sécuritaire », il liste et cartographie pour la première fois une partie des armes vendues par la France et utilisées dans le conflit yéménite ; il prouve que des centaines de milliers de civils vivent sous la menace d’armes « made in France » et livre des informations qui nous permettent de démontrer que cet armement pourrait être impliqué dans des crimes de guerre. L’exécutif français connaît aujourd’hui l’ampleur du risque.
Par souci de sécurité, Disclose a accédé à la demande d’anonymat de ses sources. La loi Sapin II sur la protection des lanceurs d’alerte « exclut du régime de l’alerte » les « faits, informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale ». A ce jour, nos sources ne sont donc pas protégées, malgré le caractère d’intérêt public de ces révélations. Précision utile : le rapport ne dévoile pas d’opérations militaires françaises en cours, et il ne met aucun personnel français en danger.
Outre cette note de 15 pages, nous publions ici un second document classé. Il est daté du 8 octobre 2018. Il a donc été rédigé quelques jours après la version remise à l’Elysée. Mais cette fois, il a été réduit à six pages, avant d’être envoyé à une liste de destinataires bien plus longue, une quarantaine au total répartis dans différents services et ministères. Dans cette synthèse à la diffusion large, les informations les plus dérangeantes ont disparu. Exit les cartes militaires et la recension des armes françaises impliquées dans la guerre.
La publication de ces informations peut avoir un impact concret sur le débat public. Depuis plusieurs mois, des parlementaires demandent la création d’une commission d’enquête sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. En vain. En commission des affaires étrangères ou de la défense, les députés qui posent une question aux ministres sur une potentielle responsabilité française n’obtiennent que des réponses parcellaires, voire mensongères. Les documents de la DRM prouvent que la représentation nationale a été délibérément tenue éloignée d’informations pourtant nécessaires à l’exercice de sa mission : le contrôle de la politique du gouvernement.
Pour toutes ces raisons et parce que le rôle de Disclose est de dévoiler des informations d’intérêt public, nous publions l’intégralité de ces documents que le pouvoir a voulu cacher.